16 juin 2014

Litige relatif aux classifications : Saisine du Juge


Privilégiant le droit fondamental d’accès au juge, la Cour de cassation a censuré la position des juges du fond. En effet, « l’absence de contestation par la salariée de sa classification dans les formes et délais prévus par la convention collective et de saisine de la commission paritaire de conciliation ne pouvait valoir renonciation de la salariée à contester judiciairement sa nouvelle classification professionnelle et la priver du droit de soumettre cette contestation à une juridiction »
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Dans un arrêt du 19 mars, la Cour de cassation insiste sur le caractère facultatif des voies de recours spécifiques prévues par les partenaires sociaux lors de l’introduction d’une nouvelle classification professionnelle. Il est ainsi précisé que l’absence de contestation soulevée dans les formes et délais prévus conventionnellement, ne vaut pas renonciation du salarié à contester judiciairement la nouvelle classification qui lui a été attribuée par l’employeur et ne le prive pas du droit de soumettre cette contestation à une juridiction.
L’introduction d’une nouvelle classification professionnelle par avenant à une convention collective, peut donner lieu à contentieux lorsqu’il s’agit de transposer la nouvelle grille et d’appliquer à chaque salarié le coefficient qui correspond aux fonctions réellement exercées. Le plus souvent, la problématique aura été anticipée par les partenaires sociaux qui auront prévu une procédure de contestation de la reclassification auprès d’une commission ad hoc, à condition de saisir celle-ci dans un délai donné. Cette procédure précontentieuse ne saurait toutefois éclipser le recours au juge ou constituer un préalable obligatoire. Dans un arrêt du 19 mars, la Cour de cassation précise que le salarié qui n’a pas usé de cette faculté de contestation en temps voulu, conserve en effet la possibilité de soumettre celle-ci à une juridiction.
CCN du personnel des agences générales d’assurances
Dans cette affaire, il était question de la convention collective nationale du personnel des agences générales d’assurances, dans sa nouvelle mouture du 2 juin 2003, ayant notamment révisé le système de classification des emplois. Pour sa mise en œuvre, un entretien individuel avait été institué, à l’issue duquel le salarié se voyait notifier sa nouvelle classification. Il disposait alors d’un délai de deux mois pour la contester auprès de l’employeur, l’un ou l’autre pouvant alors saisir une commission nationale paritaire de conciliation instituée par la convention (art. 10 et 16 de la CCN).
Dans les faits, une salariée en poste lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle classification, n’avait pas fait usage de cette procédure spécifique de recours. Plusieurs années après, elle a saisi directement le conseil de prud’hommes d’une demande de rappel de salaires, estimant qu’elle aurait dû bénéficier d’une classification supérieure au regard des fonctions réellement exercées.
Pour l’employeur, suivi par les juges du fond, cette demande n’était pas recevable dès lors que la salariée n’avait pas contesté, dans le délai de deux mois qui lui était imparti, la reclassification qui lui avait été attribuée.
Accès au juge préservé
Autrement dit, le recours conventionnel a un caractère facultatif, dont il faut tirer deux conséquences :
– passé le délai de contestation conventionnel, il n’y a pas lieu de considérer le salarié comme ayant définitivement acquiescé à la classification attribuée. L’accès au juge demeure la règle, comme le précise l’arrêt du 19 mars 2014 ;
– comme l’a déjà précisé la jurisprudence, la mise en place d’un recours devant une commission paritaire n’empêche pas la saisine directe du juge prud’homal (Cass. soc., 20 décembre 2006, n° 05-41.776). La saisine d’une commission paritaire ne saurait constituer une condition de recevabilité de l’action prud’homale (Cass. soc., 30 juin 2004, n° 02-41.518).
C’est alors au regard des fonctions réellement exercées que le juge devra déterminer si la nouvelle classification attribuée par l’employeur, est conforme aux dispositions conventionnelles.
Précisons par ailleurs que dans l’hypothèse où la commission aurait été effectivement saisie, il est de principe que son avis ne lie pas le juge devant lequel le salarié pourra donc toujours faire porter sa contestation (Cass. soc., 2 mai 2000, no 97-45.445; Cass. soc., 16 novembre 2004, n° 02-44.034).

Source : Liaisons sociales n° 16563 du 02/04/2014
Transmis par Christophe LEROY, Délégué Régional