Privilégiant le droit fondamental d’accès au
juge, la Cour de cassation a censuré la position des juges du fond. En effet, «
l’absence de contestation par la salariée de sa
classification dans les formes et délais prévus par la
convention collective et de saisine de la commission paritaire de
conciliation ne pouvait valoir renonciation de la salariée
à contester judiciairement sa nouvelle classification
professionnelle et la priver du droit de soumettre cette contestation à une
juridiction »
.
Dans un arrêt du 19 mars, la Cour de
cassation insiste sur le caractère facultatif des voies de recours spécifiques
prévues par les partenaires sociaux lors de l’introduction d’une nouvelle
classification professionnelle. Il est ainsi précisé que l’absence de
contestation soulevée dans les formes et délais prévus conventionnellement, ne
vaut pas renonciation du salarié à contester judiciairement la nouvelle
classification qui lui a été attribuée par l’employeur et ne le prive pas du
droit de soumettre cette contestation à une juridiction.
L’introduction d’une nouvelle classification professionnelle
par avenant à une convention collective, peut donner lieu à contentieux lorsqu’il
s’agit de transposer la nouvelle grille et d’appliquer à chaque salarié le
coefficient qui correspond aux fonctions réellement exercées. Le plus souvent,
la problématique aura été anticipée par les partenaires sociaux qui
auront prévu une procédure de contestation de la reclassification auprès
d’une commission ad hoc, à condition de saisir
celle-ci dans un délai donné. Cette procédure précontentieuse ne
saurait toutefois éclipser le recours au juge ou
constituer un préalable obligatoire. Dans un arrêt du 19 mars, la Cour de
cassation précise que le salarié qui n’a pas usé de cette faculté de
contestation en temps voulu, conserve en effet la possibilité de soumettre
celle-ci à une juridiction.
CCN du personnel des agences générales
d’assurances
Dans cette affaire, il était question de la convention collective nationale du personnel des agences générales
d’assurances, dans sa nouvelle mouture du 2 juin 2003, ayant notamment révisé
le système de classification des emplois. Pour sa mise en œuvre, un
entretien individuel avait été institué, à l’issue duquel le salarié se voyait
notifier sa nouvelle classification. Il disposait alors d’un délai de deux
mois pour la contester auprès de l’employeur, l’un ou l’autre
pouvant alors saisir une commission nationale paritaire de conciliation
instituée par la convention (art. 10 et 16 de la CCN).
Dans les faits, une salariée en
poste lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle classification, n’avait pas
fait usage de cette procédure spécifique de recours. Plusieurs
années après, elle a saisi directement le conseil
de prud’hommes d’une demande de rappel de salaires, estimant qu’elle
aurait dû bénéficier d’une classification supérieure au regard des fonctions
réellement exercées.
Pour l’employeur, suivi par les juges du
fond, cette demande n’était pas recevable dès lors que la salariée n’avait pas
contesté, dans le délai de deux mois qui lui était imparti, la reclassification
qui lui avait été attribuée.
Accès au juge préservé
Autrement dit, le recours conventionnel a un
caractère facultatif, dont il faut tirer deux conséquences :
– passé le délai de contestation
conventionnel, il n’y a pas lieu de considérer le salarié comme ayant
définitivement acquiescé à la classification attribuée. L’accès au juge demeure
la règle, comme le précise l’arrêt du 19 mars 2014 ;
– comme l’a déjà précisé la jurisprudence,
la mise en place d’un recours devant une commission paritaire n’empêche pas la
saisine directe du juge prud’homal (Cass. soc., 20 décembre 2006, n° 05-41.776). La
saisine d’une commission paritaire ne saurait constituer une condition de
recevabilité de l’action prud’homale (Cass. soc., 30 juin 2004, n° 02-41.518).
C’est alors au regard des fonctions
réellement exercées que le juge devra déterminer si la nouvelle
classification attribuée par l’employeur, est conforme aux dispositions
conventionnelles.
Précisons par ailleurs que dans l’hypothèse
où la commission aurait été effectivement saisie, il est de principe que son
avis ne lie pas le juge devant lequel le salarié pourra donc toujours faire
porter sa contestation (Cass. soc., 2 mai 2000,
no 97-45.445; Cass. soc., 16 novembre 2004, n° 02-44.034).
Source : Liaisons sociales n° 16563 du 02/04/2014
Transmis par Christophe LEROY, Délégué Régional